Abigaëlle & Topaz

Au bout de quinze jours à rester dans le canapé à jour aux jeux vidéos sur une vieille playstation retrouvée dans les cartons du garage de ma nouvelle belle-mère, autant dire que mon père m’a gentiment fait comprendre qu’il serait temps que je prenne ma vie en main. M’héberger ok, mais à condition que je fasse quelque chose de ma vie… Manque de bol, il n’a pas le bon fils pour cela… J’ai essayé de lui faire comprendre que je suis là pour des vacances mais tout ce que j’ai eu comme réponse a été « Au bout de 15 jours, ça n’est plus des vacances mais de la flemmardise fils ! » Alors dites moi comment rivaliser avec ces belles paroles ? J’ai décidé de lui faire plaisir et j’ai arpenté les restaurants et bars du coin, jusqu’à trouver quelques jours de travail en temps qu’extra.

C’est donc quelques jours plus tard que nous sommes. Je travaille dans le restaurant d’Abigaëlle Stevens depuis hier matin et je dois dire que la première journée s’est parfaitement bien passée. Entre la serveuse sexy et le plongeur trop sympa, je me suis tout de suite intégré à l’équipe, me donnant presque envie de rester plus longtemps. Le service de ce midi se termine et je range les instruments en cuisine, passant également par la plonge, mais tout à coup, un vacarme se fait entendre. Toutes les assiettes sont à terre avec moi, au milieu d’elles, tombé sur les fesses. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà la chef qui arrive… ET MERDE… Surtout que j’ai oublié mes chaussures de sécurité… Je la regarde avec des yeux horrifiés et un petit sourire d’un air de dire que c’est pas de ma faute…

Je regarde ma patronne, stupéfait. J’ai l’impression de me prendre une petite fessée au dessus d’une couche lorsqu’on est bambin. Si j’avais été elle, je me serais viré en moins de deux. Du coup, j’ai un petit sourire malin qui s’affiche malgré moi sur mon visage, conscient que ce n’est certainement pas la meilleure attitude à avoir. Est-ce que je lui dis qu’on m’en a donné des chaussures de sécurité mais que je n’ai tout simplement pas souhaité les mettre ? Il ne vaut peut-être mieux pas pour avoir une chance de garder ce boulot, même si ce n’est pas spécialement une de mes priorités. « Ouaip’, ça serait bien pour m’éviter de me casser le coccyx la prochaine fois. » Je lui adresse un véritable sourire charmeur, de ceux qui font oublier toutes mes conneries d’habitude. Puis, je tente de me relever, tout en ne me coupant pas avec les morceaux d’assiette. « Non non ça va. » Enfin, je n’ai mal nulle part en tout cas mais c’était sans compter le sang qui commence à couler au niveau de mon mollet, ce que je n’avais pas encore vu. C’est en attrapant un balai un peu plus loin et en revenant sur mes pas que je me rends compte qu’il y a des gouttelettes rouges au sol. Je me retourne sur moi-même cherchant d’où cela peut venir. Mon pantalon est rouge lui aussi, mais il est trop serré au niveau de la cheville pour que je puisse le lever. Pas le choix, je baisse alors mon pantalon en plein milieu de la cuisine, ce qui ne manque pas d’attirer le regard de mon collègue cuisiner à qui je dis aussitôt : « T’as jamais vu un cul de ta vie mec ? Pourtant, je suis sûr que tu as le même ! » En peut-être un peu plus gros, mais ça, je ne lui dis pas. Je ne suis pas un homme méchant non plus… Je reviens vers ma patronne. « En fait, j’crois que je vais avoir besoin de la trousse de secours. » Je m’en fiche d’avoir l’air idiot avec le pantalon en bas des pattes pour tout dire…

« Bah vous êtes pas censés en avoir en réserve ? D’habitude ce sont les entreprises qui les fournissent directement. » Je fronce les sourcils, surpris de cette proposition. Ce n’est pas que je ne veux pas mais aller faire les magasins avec ma chef, ce n’était pas spécialement dans mes plans.

Et voilà que je mets du sang partout en plus de cela. Heureusement que le service était sur sa fin parce que avec toute la pagaille que je mets, ça aurait pu créer des soucis au restaurant. Manquerait plus que l’hygiène passe à ce moment là et ça aurait été encore pire… J’ai le don de toute façon, de créer des emmerdes autour de moi, alors je roule des yeux, agacé contre moi-même. « Merci. » Je m’assois et je me laisse faire, bien que j’aurais pu me soigner moi-même. Je ne suis pas du genre à aimer qu’on m’aide, préférant rester indépendant mais je me vois mal défier l’autorité. « Je dirais à ma maladresse de se calmer le temps des services. » Je conclus alors pour plaisanter. Fichue maladresse qui me joue des tours bien trop souvent ! « Grâce à vous, on ne va pas avoir besoin de m’amputer au moins. » Je souris, un brin charmeur, comme à mon habitude. « Je pense que je vais avoir besoin d’un nouveau pantalon de service aussi… Vu l’état. » Je grimace. Un coup à la machine à laver ne suffira pas à remettre en état ce pantalon…