Libre - Tour de trotinette dans le magasin

Il n’est que 14 heures et pourtant, le soleil semble à son apogée. Je n’en peux plus de cette chaleur accablante. J’ai juste envie de rester dans un coin, à l’ombre ou à l’intérieur avec de la climatisation ce serait encore mieux, et de ne rien faire. Du coup, prendre le vélo pour aller distribuer ces fichus journaux me donne juste envie de démissionner. Oui, j’en deviens défaitiste et surtout très fainéant mais que voulez-vous, c’est dans ma nature. Je vois Thomas du coin de l’œil et je sens bien qu’il va me dire de me bouger le cul. Mon colocataire n’est pas mieux que moi sur certains points mais bon, lorsqu’il s’agit de boulot et du fait que ça pourrait m’éviter de piquer dans son portefeuille, il essaye de me motiver au maximum. Il tient à ses sous le petit, normal quoi. Bref, je finis par y aller… Sauf qu’à la place, je finis dans un grand magasin où ils vendent des articles de sport. Ah il fait bien meilleur ici ! Bien mieux que de travailler ! Je teste les tentes en m’allongeant dedans. Puis, le matériel de pèche avec ces fauteuils me semblent bien confortable alors je m’y installe quelques instants. Mais c’est finalement le rayon trottinette qui me fait saliver. J’en prends une et me met à faire le tour du magasin, comme un gamin de 5 ans… Sauf que j’en ai plus de 30. Je fais des grands sourires amusés à ceux qui me regardent, fier de mes conneries.

« Si tu crois que tu vas m’avoir comme ça. » Je marmonne dans ma moustache inexistante à cet homme et ce gamin qui viennent de me dépasser en trottinette. Je n’ai pas dit mon dernier mot et vu que je n’aime pas perdre, c’est parti pour une petite compétition malsaine. Oui oui, j’ai vraiment l’intention de battre un enfant… Je met les gaz, appuyant bien sur mon pied à chaque appui pour gagner en vitesse. Je finis par le dépasser. « Tu fais moins le malin maintenant hein ?! » Je lui lance sarcastique. Sauf qu’à faire le malin, j’ai forcément tourné la tête, ne regardant absolument pas où je vais et je finis par m’étaler de tout mon long, ayant foncé dans une devanture de rayon. Heureusement, ce sont des vêtements qui sont entreposés et qui ont ainsi ralenti ma chute. Non mais sérieux, il n’y a qu’à moi que ça arrive ce genre de chose !

Je le regarde partir, avec un sourire. À croire qu'il prend vraiment ça au sérieux, certains adultes m'étonneront toujours. Comme quoi, l'habit ne fait pas le moine. Le gars prend de la vitesse et fonce dans un rayon remplit de vêtement. Je m'arrête, pars dans un grand rire rejoint par Léo avant de remettre la trottinette à sa place. Toujours hilare et mon neveu sur mes talons, je tends ma main au gars par terre. Rien de cassé ? Demandais-je en me retenant à grande peine à repartir dans mon fou rire. Pour une fois, j'ai voulu jouer mais ce n'est pas moi qui ai perdu.

Je me retrouve, tout penaud sur ce tas de vêtements, avec une espèce de veste qui a atterri, littéralement sur ma tête. Je donne un coup de tête en arrière pour avoir de nouveau la vue libre et c’est ainsi que je vois l’homme me tendre sa main après un énorme fou rire. Celui de l’enfant ne semble pas spécialement s’arrêter d’ailleurs alors je lui tire la langue. Age mental inférieur à celui de l’enfant et je l’assume parfaitement… J’attrape la main du type et je me relève. « Mon égo qui en a pris un coup seulement. » J’avoue honteusement. Je n’ai pourtant pas l’habitude d’avoir honte de mes bêtises, mais là, face à un adulte ET un enfant, c’est bien différent. Je me sentirais presque obligé de m’excuser mais je ne le fais pas. « C’était pour lui montrer l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. » Je reprends bientôt fièrement, après avoir repris un peu de poil de la bête. « Donc tu vois petit, pour ne pas finir idiot comme moi, faut être bien sage à l’école et faire ses devoirs ! » La leçon du jour ?

J’essaye de me rattraper comme je peux, sortant des excuses plus ou moins crédibles sur le fait que je souhaite donner de l’éducation à cet enfant mais on sait tous, au fond, que je me suis juste cassé la figure de par ma maladresse naturelle. Lorsqu’on nait pas doué, on le reste toute sa vie malheureusement. « Ahah vous savez que ce serait pas une mauvaise idée ! J’avoue que je n’y avais jamais pensé. » J’ai pourtant testé tout un tas de métiers différents au cours de ma vie mais les cascades, ça ne m’était jamais passé par la tête. « Je me contente de dénoyauter des cerises dans une usine du coin pour l’instant. » Là encore, il risque de me prendre pour un fou et malheureusement, c’est un des seuls emplois que j’ai trouvé, m’enfin en plus des autres… « Vous faites quoi vous ? » Ouais, j’aborde la discussion. Il va sans doute se demander pourquoi mais j’ai simplement envie de faire connaissance.

« On me le dit souvent. » Je fais mine de lui répondre avec un regard blasé, avant de me remettre à rire. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce travail est effectivement des plus originaux donc il a bien raison. « Disons surtout que ce n’est pas particulièrement très intéressant quoi. » Toujours la même chose à longueur de journée. Tout ce qui change c’est la taille des cerises. Donc fatiguant n’est pas forcément le bon mot, je dirais plutôt très ennuyant. « L’avantage c’est que je n’ai pas besoin de réfléchir. » Je rétorque bientôt avec un sourire amusé, même si je ne suis pas sûr que ce soit un bon point. Pour un fainéant comme moi, c’est pas plus mal mais pour quelqu’un qui a des aspirations dans sa vie, c’est surement pas la meilleure des idées que de devenir dénoyauteur de cerises. « En effet, vous devez être bien occupé. » Je réponds, assez admiratif, je dois l’avouer. « Vous jouez dans un groupe ? » La question est venue assez naturellement, vu que je suis un fan inconditionnel de musique qui n’hésite pas à avoir des écouteurs dans les oreilles toute la journée. « Moi c’est Hayden. »

Il faut dire que je n’aime pas spécialement réfléchir. Ca me bousille les neurones et ça me fait vieillir à une vitesse fulgurante. C’est à se demander pourquoi tant de personnes se donnent la peine de le faire. Moi, je reste sur les idées reçues à l’école primaire… Je tiens trop à ma vie ! Du coup, dans la vie je ne fais que l’essentiel pour préserver ma santé physique et mentale ! Mais je crois malheureusement que ma connerie naturelle m’aura à l’usure bien malgré moi. J’accompagne mon nouvel ami alors qu’il se met à rire. « Faudrait que je viennes vous voir à l’occasion. » Je pourrais me vanter auprès de toutes leurs fans que je les connais personnellement. Peut-être que j’aurais ainsi des touches… Rien que d’y penser, ça me donnait bien envie. « C’est quel style de musique ? » Parce que si c’est un truc que j’aime pas, ça risque d’être tout de suite plus difficile d’apprécier. Le bambin revient avec un ballon et c’est ainsi que j’apprends qu’il s’appelle Léo. « C’est votre fils ? » La question vient naturellement, même si je me rends compte après réflexion que c’est un peu déplacé. « Moi j’aurais pris un bleu à ta place. Ca plait plus aux filles ! » Je dis en m’adressant aux garçons, sans trop savoir pourquoi j’ai sorti ça…