A l'eau de rose ~ Harmony

Nous avons déjà la liste des manuels scolaires à acquérir pour la dernière année de lycée, et ce dans la plupart des cours. Cette année, je décide de ne pas attendre l'ultime minute, afin d'éviter de me retrouver avec des indisponibilités dans les bibliothèques et des ruptures de stock dans les librairies. Parce que ces malins de l'éducation nationale, ils y ont y pensé à ce que du jour au lendemain, le même bouquin d'exercices sur les sciences économiques ou le même Atlas géographique va se retrouver trusté par plusieurs dizaines d'étudiants qui ont reçu la consigne de disposer de celui-là et non pas d'une autre version aussi semblable puisse-t-elle paraître? A priori, non.

Je me rends donc à l'université où se trouvent mes plus grandes chances d'obtenir la majorité des ouvrages dont j'aurai besoin. Entre les étudiants qui sont en repêches et ceux qui n'ont rien d'autre à foutre de leur vie que de la passer le nez dans les livres, on s'occupe encore assez rapidement de moi. Je tends la liste au préposé du service et le laisse se débrouiller pour me concocter une superbe pile dont je me débarrasserai une fois le High School Degree en poche ! Tout est renseigné à l'année de parution près sur le papier où j'ai retranscris les noms d'auteurs et de titres, sans omettre l'édition. Ca m'évite de passer pour un ignorant s'il m'est demandé une préférence entre l'ouvrage de 450 pages ou celui plus complet en deux volumes avec extension de la thèse macroéconomique qui prendra donc plus de place dans mon sac, seul chose que je retiens de la différence entre les deux.

Parce que l'employé n'est pas un surhomme qui me ramène en même temps de la littérature comparée et de la théorie moléculaire sur simple claquement de doigts, je patiente devant l'étalage des derniers romans parus qui sont proposés par la section en charge des nouveautés, une bande d'universitaires qui se spécialisent en critique et qui griffonnent leurs impressions sur un bout de carton coincé entre deux pages du livre monté sur présentoir. "Coup de coeur de Marlène !", "Le livre de chevet de Thomas", "Englouti par Raph !!" Par curiosité, je retourne la quatrième de couverture de celui l plus proche, et ma critique se fonde rapidement : complètement pourri. Dans l'attente, autant s'en faire un avis plus tranché de cette sélection "spéciale été". Je me saisis d'un autre considéré comme grandiose par l'écriture, dans le texte. « A chier », je commence à m'impatienter, laissant mon jugement se frayer un chemin à peine audible. « Et de la merde » je ne me retiens plus, toutefois dans un demi-silence. En voulant le déposer où je l'ai pris, j'estime mal l'éloignement du bord de la table et le roman se vautre sur le carrelage, ouvert à une double-page écrasée contre le sol.

Je me penche pour le remettre à sa bonne place et me trouve confronté à une paire de talons surmontés de longues jambes. Le genre de truc que tu ne t'attends pas à voir dans la bibliothèque d'une université, à moins que je me décide à m'y inscrire et que j'y constate le contraire. Je relève les yeux, à peine conscient de la tranche pincée entre mes doigts. Pas de lunettes, pas de col roulé, pas d'attitude d'intello, mais une profondeur dans les traits. « Je .. remets .. le livre à sa place. Je .. l'ai .. fait tomber. » Oui et ? C'est un peu normal, non ? Sauf que les talons ce reste suspect. Russo-Polonaise ? Elle serait blonde si c'était le cas. J'ai trouvé ! Les jambes élancées, le regard toujours en recherche de quelque chose, à coup sûr c'est une journaliste !!