Pourquoi un corbeau ressemble-il à un grain de sel ? [libre]

Pourquoi un corbeau ressemble-il à un grain de sel ?

Gabrielle & kikiveut !

Assise sur son lit, la jeune femme comptait le gong des cloches qui se répercutaient dans la ville encore endormie en ce samedi matin. Ça avait toujours été un son qu’elle appréciait, une chanson presque impérieux dans un monde en perpétuelle évolution. Et pourtant, elle n’était pas particulièrement croyante… Mais cet appel à la communion l’avait toujours touchée.
Sept… huit… neuf. Il devait donc être neuf heures. Neuf heures ?! Oh non pas déjà ! Pourquoi fallait-il toujours qu’elle sorte trop tard le vendredi et qu’elle soit incapable de se réveiller à temps le lendemain ?!

« Je suis en retard, en retard… en retard ! »

Se débattant avec sa couverture pour s’en extirper les jambes, Gabrielle émit un couinement tandis que la lutte se terminait avec elle, les fesses au sol. Mais qu’importe, elle n’avait pas le temps de plaindre son pauvre postérieur, elle était en retard ! Aussi se releva-t-elle, d’un bond presque digne, pour courir dans la salle de bain. À en croire son miroir, elle s’était encore teint les cheveux très récemment. Elle n’en avait aucun souvenir mais visiblement, Kurai, sa deuxième personnalité la plus prononcée, avait encore eu des envies de couleurs. Et comme si ses grandes peintures abstraites ne suffisaient pas, il fallait aussi qu’elle s’attaque à sa chevelure…

« Cool, cool, cool, cool, cool,…cool ! »

Grimaçant tandis qu’elle réussissait enfin à s’arrêter de répéter le mot, Gaby attrapa un élastique qui trainait sur le rebord de l’évier et se fit un rapide chignon en rassemblant tant bien que mal ses cheveux. Heureusement qu’elle ne cherchait pas à se donner un style plus étudié car il était réellement rare qu’elle ait le temps de faire mieux de ses cheveux. Et puis de toute façon, avec cet arc-en-ciel sur le haut de la tête, personne ne la prendrait au sérieux. Imaginez, une avocate avec cette tête de clown ! Vous n’y repenseriez pas à deux fois, avant de l’engager ?

Tout en accélérant encore la cadence, elle attrapa sa brosse à dent, recouverte de dentifrice et se mit à courir dans l’appartement tout en se frottant les dents. Ne s’arrêtant que pour enfiler ses vêtements, retrouvés éparpillés dans la pièce.
Est-ce que ce fut à force de se répéter qu’elle était en retard que tout à coup elle eu la sensation d’avoir vu un lapin blanc s’enfuir ? Aucune idée. Toujours est-il qu’à peine eut-elle rincé sa bouche de la mousse blanche qui la barbouillait qu’elle sorti en tombe de chez elle à la poursuite du célèbre lapin de Lewis Caroll. Dés lors, elle se mit à courir dans les rues de la ville, persuadée de poursuivre un lapin armé d’une montre à gousset et ne s’arrêta que devant une bouche d’égout dont la forme ronde lui fit penser à l’entrée d’un terrier.

« Ouvre-toi… »

À genoux au milieu de la rue, Gabrielle se mit à essayer de soulever le couvercle. Il n’était pas rare pour la jeune femme de se prendre pour un personnage de conte, néanmoins cette soudaine crise venait de lui faire perdre pied avec la réalité. Si bien qu’elle ne se rendait pas compte du danger d’être au milieu d’une rue à essayer d’entrer dans les canalisations…

Pourquoi un corbeau ressemble-il à un grain de sel ?

Gabrielle & kikiveut !

S’acharnant à trouver une prise, la jeune femme n’avait pas entendu l’inconnu approcher. Ses doigts couraient encore et encore le long du pourtour de la bouche d’égout, cherchant la moindre faille, le moindre interstice à utiliser. Pourtant lorsqu’elle entendit la question du jeune homme, elle n’eut pas la moindre surprise, ce devait être cette espèce de porte close de terrier qui lui parlait ! Peut-être devrait-elle trouver le code pour entrer ? Ou alors avaler quelque chose qui lui permette de devenir si petite qu’elle pourrait se glisser dans l’un des trous ?
Alors se penchant un peu plus en avant, elle se mit à parler en direction de la plaque de métal, espérant de toutes ses forces qu’elle recevrait l’aide nécessaire.

« Oui ! Le lapin ! Il… il, il, il… »

Pourquoi la porte parlait-elle d’égout ? Fronçant les sourcils, Gabrielle se redressa lentement. Il y avait quelque chose qui clochait. Ce n’était pas le terrier, ou du moins, ce n’était pas l’entrée du terrier… Et elle n’était pas seule…

Relevant les yeux avec lenteur dans la direction de la voix qu’elle venait d’entendre, Gabrielle prit le temps d’observer chaque détail de l’homme qui lui faisait face. Des jolies chaussures quoi qu’un peu usée, à en croire la poudre colorée qui maculait la semelle, il devait être en contact avec un ou plusieurs artistes travaillant avec des pastels secs. Un pantalon à la coupe avantageuse, tenue simple masquant à peine un corps qui semblait fatigué. Quant au visage… Difficile à dire, certes ce garçon semblait à peine sorti de l’adolescence… pourtant, dans ses yeux, une sagesse sans âge se devinait. Comme s’il en avait déjà trop vu pour être un simple jeune. Sans parler de son teint maladif, un doux mélange entre le vert et le blanc laiteux. Étrange.

« Vous êtes comme lui. Je crois qu’il vous faudrait du thé. Du thé.  »

Se relevant, elle sourit au jeune homme. Peut-être que dans le fond, c’était lui, le lapin blanc. Certes, il devait s’être changé et ne semblait plus aussi pressé. Mais qu’importe. Son sourire était aimable et Gabrielle se sentait d’humeur à boire un thé.

Pourquoi un corbeau ressemble-il à un grain de sel ?

Gabrielle & kikiveut !

La tête penchée sur le côté, elle observa le jeune homme qui l’avait sortie de la lutte qu’elle menait. Son sourire amusé ne la gênait en rien, au contraire, elle aimait l’idée qu’il soit joyeux. Que ce soit à ses dépends ou non d’ailleurs… Surtout qu’elle l’avait d’abord prit pour le lapin blanc du fait de son teint blafard, mais dans le fond tout le monde savait qu’au pays des merveilles, on ne pouvait pas se fier aux apparences… Il était peut-être Cheshire, le chat fourbe qui s’amusait à se moquer de tout et de rien. Et dans  ce cas, mieux valait qu’elle garde les yeux grands ouverts afin qu’il ne la fasse pas tourner en bourrique !

« Comme qui quoi ? »

Bon ok, là c’était elle qui avait perdu le fil de la conversation. Elle ne voyait déjà plus pour quelle raison il lui posait cette question… Avait-elle dit quelque chose ? Ou bien devait-elle le faire maintenant ? Et d’ailleurs pourquoi la regardait-il si fixement avec son regard océan électrique perçant ?

« Je ne sais pas. Vos yeux… On dirait des pierres précieuses, précieuses, précieuses ! Je crois que je n’ai jamais vu un regard comme le vôtre… »

S’approchant un peu plus de son visage, elle fixa une prunelle après l’autre en louchant et sourit joyeusement. Ce garçon avait certes une ombre au fond du regard mais c’était plus une impression qu’une véritable marque. Ce qui le rendait réellement mystérieux sous ses airs angéliques. Et puisqu’il était partant pour une tasse de thé, elle comptait bien creuser un peu plus !
Lui attrapant la main, elle l’emmena avec elle en sautillant toute heureuse.

« Nous allons devoir trouver le chapelier et le lièvre mais ils nous inviterons eux-mêmes ! Après tout, ce sont eux les meilleurs dans le domaine ! »

Peu importe qu’elle ne connaisse pas ce jeune homme depuis longtemps, il avait l’air gentil et elle ne pouvait pas se tromper. De plus, elle aimait le voir sourire et désirait que ça continue encore un moment. Quoi de mieux que de l’emmener voir des fous pour rire en leur compagnie ?!