Plouf! - pv Hayden

Mais quelle idée de se lever aussitôt un dimanche matin ? Le pire, c’est qu’il m’est impossible de rester au lit. Thomas, mon colocataire a ramené je ne sais qui à la maison et ils font un bruit d’enfer. En plus, j’ai une de ces gueules de bois qui m’empêche de me rendormir. Je me lève donc du lit, posant un pied après l’autre sur le sol. Je regarde mon réveil et je désespère en voyant l’heure si matinale. Je me tiens la tête pendant de longues minutes avant d’enfin rejoindre la cuisine en quête d’un doliprane. Preuve que j’ai quand même le meilleur ami du monde, il m’a sorti un boite du médicament et l’a posé bien visible sur la table. J’en avale un avant de m’affalé dans le canapé et d’allumer la télévision. Quelques minutes plus tard, c’est néanmoins presque à coups de pieds au cul que je vais devoir m’en aller de la maison.

- Hayden, t’as pas quelque chose à faire ce matin ? Tu vois, histoire que je sois tranquille.
- Bah tu veux que je fasse quoi un dimanche matin ?
- Va à la piscine, j’en sais rien moi…

Sympa le coloc finalement… Ou pas… Il va dans sa chambre et en revenant, me jette un de ses maillots de bain sur la tête ainsi qu’une serviette. Visiblement, je n’ai pas le choix et ne suis pas le bienvenue dans ma propre maison. Je me rends donc à la piscine municipale et ne tarde pas à rejoindre le jacuzzi, histoire de me poser tranquille. Sauf que je me prends les pieds dans une demoiselle et tombe à l’eau, tête la première. En sortant, je me frotte les yeux avant de m’exclamer.

« Purée, mais faut vraiment que j’arrête de boire moi ! » Je me retourne vers la jeune femme en question. « Désolé de vous avoir dérangé. J’espère que je ne vous ai pas fait mal. »

Qu’est-ce que je peux être empoté quand je m’y mets. Je me demande bien de quel côté de la famille est-ce que j’ai bien pu prendre ce trait de caractère… Ca aura au moins eu le mérite de faire rire la jeune femme, ce qui me rassure. Je préfère qu’on se moque de moi plutôt qu’on me regarde furieusement ou qu’on me lance des piques méchantes. Au moins, elle avait l’air plutôt sympathique. Je lui adresse un petit sourire alors qu’elle me retourne la question. « J’en sais rien, je sens pas grand-chose… » Merci l’alcool dans le sang. J’ai le ventre tout rouge avec le plat que je viens de faire mais cela ne devrait pas avoir de grosses séquelles. J’inspecte quand même mon corps en faisant bouger mes bras. « Rien de cassé en tout cas apparemment. » Un petit tour dans le jacuzzi et ça ira de toute façon. Je m’installe à côté de la demoiselle. « Vous venez souvent à la piscine ? J’ai l’impression qu’il n’y a vraiment personne ce matin ! » Après, je serais bien incapable de dire la fréquentation des autres jours donc je n’ai pas vraiment de comparatif. « Je m’appelle Hayden au fait. »

C’est vrai que le dimanche matin, c’est pas le jour idéal pour la piscine donc sa réponse est parfaitement logique. J’aurais même pu y penser moi-même si je m’en étais donné la peine. « Vous aimez plutôt la solitude alors j’imagine ? » Peut-être que je me trompe. Peut-être qu’elle préférerait que je me taise, ou tout simplement pouvoir être seule, mais je ne lui demande pas ça puisque de toute manière, je ne compte plus bouger mon gros cul de ce jacuzzi. « Moi j’adore quand y’a plein de monde. On peut faire des connaissances facilement et tout. M’enfin ça dépend car des fois, les gens sont cons… » Oui, je suis bavard et j’assume parfaitement ! « Comme Alice au pays des merveilles ! Trop génial ! » Oui, expliquez moi en quoi cette réflexion était obligatoire ? Pourtant, je suis plutôt fier et content de savoir qu’elle a un prénom aussi cool. De toute façon, on a déjà dû lui faire cette blague, vous ne pensez pas ? « Dure sur le coup non… C’était vraiment cool et tout ! Mais ce matin, c’est pas la même histoire… » Je me tiens machinalement la tête pendant quelques instants, comme si elle allait tomber. « Vous avez vu le film Projet X ? Bah c’était un peu la même chose en moins pire quand même. » J’en avais des souvenirs plein la tête, jusqu’au moment où c’est le black out total avec plus aucune notion de ce qui a pu se passer. J’ai quand même réussi à rentrer dormir dans mon lit par je ne sais quel miracle. « Vous avez fait quoi vous ? Un samedi soir une jeune femme ne reste pas seule chez elle normalement. »

En fait, qui n’aime pas être au calme au moins une fois de temps en temps ? Je me rends compte à quel point ma question pouvait être idiote. La conversation continuait sur un autre sujet, et plus particulièrement sur ma soirée de la veille. J’y repensais encore et encore et quelques souvenirs refont alors surface, petit à petit, un à un. Ce sont des brides surtout mais comme à chaque fois, ce sont des choses plus ou moins folles dont il n’y a pas forcément de quoi être fier. M’enfin, c’est dans mes habitudes de faire des trucs cons, tout le temps, bourré ou sobre. « Il est plutôt bien, vous devriez le regarder ! » Je lui conseille bientôt. Pas le meilleur film de la décennie mais tout de même une bonne partie de rigolade pendant 1h30.

Je ris alors qu’elle me dit que je vais la prendre pour une vierge effarouchée. « Oh, ça c’est vous qui le dites ! Je ne l’avais même pas pensé jusqu’à maintenant. » Un petit sourire pour conclure et lui montrer que je ne la juge pas de la sorte, ou en tout cas pas encore. « Si vos amis ne sont ni des peluches ni des poupées en porcelaine mais bien des êtres humains, il n’y a pas de quoi vous prendre pour une vierge effarouchée ! On a tous nos moyens de s’amuser. » Qui dit qu’elle n’aimerait pas mon genre de soirées, ou la réciproque ? Chacun ses gouts après tout et je connais suffisamment de personnes qui aiment les soirées calmes, tout en étant plutôt fun.

« Vous travaillez dans quoi ? Si ce n’est pas indiscret ? »

« Il est plutôt bien, vous devriez le regarder ! » Ce n'était pas vraiment le genre de films qui m'attiraient même si j'avais beaucoup ris devant Very bad trip à l'époque mais bon, pourquoi pas tenter une fois. « Si vos amis ne sont ni des peluches ni des poupées en porcelaine mais bien des êtres humains, il n’y a pas de quoi vous prendre pour une vierge effarouchée ! On a tous nos moyens de s’amuser. » Oui c'était certain, chacun avait sa façon de s'amuser même si j'avouais ne pas trop comprendre le plaisir de boire à oublier ce qu'on a fait de sa soirée.

Hayden me demanda ensuite le métier que je faisais, espérant que ce ne soit pas indiscret. A vrai dire, je me posais pas mal de questions en ce moment sur ce boulot qui me prenait tout mon temps et mon énergie. Certes, j'aimais voir mes élèves progresser et ceux qui s'intéressaient à mes cours mais, malgré mes très courtes années d'expérience, je pensais déjà à changer. Le seul souci étant que je ne savais pas quoi faire d'autres. Mes études m'ouvraient à des métiers d'interprètes et traducteurs qui ne me plaisaient pas du tout. Donc soit il fallait que je reparte de zéro sans formation, soit reprendre mes études… a trente ans, la deuxième idée ne me tentait pas.

« Je suis prof de français actuellement, et vous ? »

J’ouvre bientôt des yeux tout ronds alors qu’elle m’annonce la fonction qu’elle occupe. Puis, je la regarde et je me dis que c’est un métier qui lui va bien, vu qu’elle a l’air plutôt sage, rangée. C’est quand même difficile de se faire une idée en la voyant en maillot de bains et avec les cheveux mouillés. En civil, ce serait peut-être plus flagrant. « Houla, j’aurais jamais pu faire ça moi ! Je crois que j’en aurais claqué plus d’un. » dis-je en parlant des élèves qui avouons le, s’ils sont ne serait-ce que la moitié de ce que j’étais à l’école, mérite des punitions immenses et des heures de colle à n’en plus finir. Malheureusement, je suis également du genre à ne pas avoir de patience. « Mais il en faut alors félicitations ! » J’ajoute avec un hochement de tête voulant marquer mon respect pour la profession. « Moi je fais des petits boulots un peu nuls en ce moment. » Rien de bien passionnant mais ça ramène un peu d’argent pour payer le loyer, comme ça, mon colocataire Thomas m’en veut moins quand je pique dans son portefeuille dès que j’ai plus de sous. « Et d’où vous est venu cette vocation ? Dois falloir aimer vachement les gosses quand même… »