Rebel & Hayden

Ce soir, on mange des légumes, c’est décidé ! Thomas ne rentre que d’ici une heure ou deux, ça me laisse largement le temps de mettre en pratique ce que je viens d’apprendre pendant mes cours de cuisine. Ni une ni deux, je sors la planche à découper, ainsi qu’un énorme couteau (Oui, je n’ai pas encore compris que ce couteau à viande ne sert pas spécialement à couper des légumes hein…). Je vais chercher les poireaux au réfrigérateur et je me mets au travail sauf que forcément, à peine deux minutes plus tard, je me tranche le doigt et ça se met à pisser le sang de partout. De ma main encore valide et sur le point de m’évanouir, j’appelle un taxi et je prends la direction de l’hôpital qui est pour ainsi dire à cinq minutes à pied de l’appartement… J’entre dans les locaux et une salle d’attente bondée s’offre à moi alors que je cours dans un élan dramatique avec le bureau des admissions. « Faut m’aider ! J’vais perdre mon doigt ! J’vais mourir ! Y’en a partout ! »

« J’crois que vous vous rendez pas compte de tout le sang que j’ai perdu !! » Je prononçais affolé, toujours aussi certain que la fin de ma vie approche à grand pas. « Faut faire vite !! » Et là, j’avais clairement peur de ce qui allait m’arriver. Je la suivais vers une salle où elle allait tout arranger. En temps normal, je l’aurais reluquée, j’aurais mentionné à quel point elle est jolie comme je le fais tout le temps, surtout quand je veux quelque chose en retour mais là, ce n’est clairement pas ma priorité. Et puis, c’est son job de me soigner alors espérons qu’elle le fasse vite et bien. Alors que je la vois revenir avec un matériel qui tout à coup m’enlève toute la douleur tellement ça a l’air barbare, je lui demande, nettement pas rassuré. « Rassurez moi, vous allez m’endormir au moins ! J’vais pas survivre si vous me torturez à vif. » Une vraie fillette que je suis ! On aurait de quoi rire franchement, pour quelqu’un qui assisterait à la scène. Je vois bien qu’elle essaye de détourner mon attention en me posant des questions. Je décide tout de même d’y répondre, tout en ne quittant pas un instant mon doigt du regard. « Hayden. Et je ne jonglais pas. J’essayais juste de couper des légumes… » Je lui avoue avec une mine déconfite. « Et vous, c’est quoi votre nom ? »

« Points de souture ? » Je prononce ces paroles dans mes moustaches inexistantes, pour moi-même et c’est en voyant le fil et l’aiguille que je réalise vraiment ce qui est en train de se passer. Elle est sérieuse ? Il faut vraiment que je passe par là ? Je regarde mon doigt qui continue de saigner et oui, ça a l’air d’être la seule solution. J’ai tout de même un mouvement de recul, persuadé que je vais tomber dans les pommes dès qu’elle va enfoncer l’aiguille. Je ferme fort les yeux et je lui tends mon doigt à contre cœur, restant le plus loin possible tout de même pour le reste de mon corps. Pire qu’un enfant je suis. Elle n’a pas encore piqué que j’ai déjà mal mais le fait qu’elle détourne la conversation m’aide à me concentrer sur autre chose et à me « détendre ». Enfin, manière de parler car j’ai les fesses fort bien serrées, je peux vous le garantir… Je continue de lui répondre, les yeux toujours fermés pour ne pas voir la suite des événements. « Mouais mais bon, j’suis un gros naze en cuisine… La preuve… » Je visionne alors de nouveau la scène dans la tête. Vraiment, je ne sais pas comment j’ai pu en arriver là quand même… « Et vous avez l’âme qui va avec ? » L’âme rebelle, comme son prénom ? « C’est un drôle de nom pour un médecin. » Je me permets de lui dire, un peu plus amusé par cela avant qu’elle ne pique ma peau. « AIEEEEEEEEEEEEEE ! » Je m’écris alors, alertant ainsi tout le bâtiment. « J’vais essayer. » J’ajoute en serrant bien fort les dents.

M’améliorer ? Je n’y crois pas vraiment. Je suis un cas désespéré dans pas mal de domaines mais la cuisine, c’est sans doute le pire. « Je crois que je ne vais pas réessayer tout simplement… Les plats préparés c’est bon après tout… » Et Les Etats Unis sont bien connus pour avoir un nombre de traiteurs et restaurants qui font des plats à emporter à n’en plus finir donc pourquoi s’en priver. Ah oui, peut-être une question de budget en fait… Va falloir que Thomas continue de garnir son portefeuille, qu’il y ait du fric à prendre lorsque je pique dedans… « Ou alors faut que je trouve une femme qui sache cuisiner… » La réflexion était venue à voix haute, assez naturellement même si je ne me rendais pas compte des impacts que ça pourrait avoir. Je m’en fous en fait, je dis ce que je pense, tout simplement. Cela lui indiquerait au passage que je suis célibataire – à moins qu’elle en conclut que j’ai une copine qui ne sait pas cuisiner… Et merde, j’avais pas pensé à cette éventualité… Tant pis, on verra bien… En attendant, je ne réfléchis pas spécialement aux points de suture mais il m’en faudrait plus que cela pour tout me faire oublier. « Au moins vous êtes unique ! » Un bon point non ? Personne d’autre qu’elle ne devait se retourner alors qu’on prononçait son prénom dans les couloirs de l’hôpital. Et là, c’était l’horreur, mon cri strident se fit entendre dans tout l’hopital quelques instants avant qu’elle me promette un bonbon à la fin. Je ne suis pas un enfant mais je peux vous dire que ça me motive tout autant qu’un de ces bambins… Je serre les dents, les fesses, tout ce qui peut être serré encore et encore. Je n’ouvre les yeux que lorsque j’ai la sensation qu’elle s’éloigne de mon doigt. « Dites moi que c’est fini. » Je lui demande d’un air suppliant, pire qu’un chien battu. « Un truc de fort pour les anti-douleurs hein ? » Il ne faudrait pas que je souffre inutilement… « Je peux avoir mon bonbon ? » Je ne perds malgré tout pas le nord…