Je ne me comprends pas.... - Sebastian

Quel journée ! La première journée de boulot depuis ce rendez-vous improvisé avec Serena. Sebastian avait passé la majorité de son temps à contempler les salles de classes, à retourner trois années en arrière. Il regardait ces mômes faire des vas-et-viens, attendant avec impatience la sonnerie finale. Parce que ce lundi-là, il avait été exécrable. Il refoulait chaque questions de dernière minute, à se protéger du regards de ces demoiselles en détresse. Puérilité quand tu nous tiens. Même lui, il ne se reconnaissait plus. Le midi, il n'écoutait plus les plaintes de ses collègues. Les yeux rivés sur son smartphone, son repas, lui, refroidissait. Il regardait l'historique de ses échanges avec Serena. Des échanges complices, des échanges parfois drôles, des échanges sincères. Quelque fois, il s'amusait à guetter les couloirs quand il ne comptait pas ses pas. C'était un fait, il devenait fou. Ces deux-là devaient arrêter leur jeu. Il était prof, il lui avait fait cours jadis, ils se sont retrouvés le temps d'une soirée, point final. Une forme de culpabilité avait pris une place majeur dans son esprit. A l'égard de qui ? Il n'en avait aucune idée.
Seize heures. Sonnerie finale. Il n'avait pas fait attendre longtemps ses élèves pour les faire sortir. Il rangea à la va-vite ses affaires et se dirigea en salle des professeurs, histoire de prendre son casque et son sac de sport. Oui, il avait décidé d'aller à la salle après, histoire de se défouler un peu et de se changer les idées. Le fait de ne pas avoir croisé sa gamine aujourd'hui lui avait enlevé une épine du pied, de quoi le rendre un peu moins anxieux. Des rires se firent entendre à l’intérieur de la salle, chose inhabituelle. Sebastian ouvrit la porte, laissant passé deux-trois collègues dans la foulée. Tout ce qu'il avait endossé jusqu'à maintenant lui tomba dessus. Elle était en face de lui. Dans cette salle où sa voix résonnait facilement. Sebastian avait du mal à contenir sa surprise. Surpris, mais ravi de voir le portrait qui se dressait face à lui. Les yeux des deux partenaires se croisèrent, et pas que furtivement. Heureusement que Sebastian était doué pour contenir ses émotions, parce qu'à l’intérieur, c'était le foutoir. " Serena ? Quelle surprise." Oui, car elle ne l'avait évidemment pas prévenue de sa petite visite. Il n'avait même pas remarqué qu'il était tendu comme pas possible. Lui qui se dirigeait d'habitude en vitesse vers la cafetière, avait choisi la fontaine à eau sur ce coup-ci. Il sentait que sa visite n'était pas une simple modalité. Heureusement pour eux, la salle allait bientôt se vider, pour une réunion. Enfin, "heureusement"..

Toujours aux abords de la fontaine, Sebastian songeait. Les deux avaient bien du mal à ne pas se relooker sans gènes. Oui, parce qu'il était gêné. Gêné d'être ici, dans son lieu de travail, avec une ancienne élève qui visiblement, ne semblait pas tellement perturbée de la situation. La salle se vida peu à peu, ce qui n'arrangeait pas vraiment l'étrangeté de Sebastian qui salua de plus en plus furtivement ses collègues. Oui, partez, partez.. Parce qu'il avait des choses à faire, lui. Un silence de plomb s'installa, le genre où les brouhaha du fin fond du couloir se laissaient entendre. D'une traite, Sebastian finit son verre d'eau, les doigts pianotant sur son verre pour évacuer ce stress qu'il contenait jusqu'à maintenant. Pourquoi était-il ainsi ? Il n'eût pas vraiment le temps de demander à Serena la raison de sa visite qu'il en reçut la réponse, pour le moins, expressivement. Il lâcha son verre en plastique à même le sol et poussa la jeune femme jusqu'à la table ou quelques affaires vacillèrent, par-ci, par-là. La scène avait une impression de déjà-vu. Mais Sebastian le savait, c'était une mauvaise idée. Et les rêves de jeunes filles de sa partenaire n'arrangeaient pas les choses. Lui qui avait suivit Serena jusqu'à maintenant dans sa valse et dans ses pulsions, s’arrêta net " Qu'est ce qu'on fait, là ?" Déni, gros déni. Il avait envie d'elle, c'était un fait. C'était une mauvaise idée, d'abord parce qu'il s'agissait de son lieu de travail et qu'il allait morfler si quelqu'un le repérait avec son élève.. du moins ancienne élève, sans parler du fait qu'il ne voulait pas que l'épisode de sa fille se répète. Evidemment, il était quasi-impossible qu'elle pointe le bout de son nez à ce moment précis, mais le destin avait assez joué avec les nerfs du trentenaire alors pourquoi ne lui ferait-il pas un sale coup, là ? Et puis, il y avait Serena. Pourquoi était-elle revenue ? Et surtout, pourquoi il était aussi heureux de la voir ? Rien ne pouvait les lier, et Sebastian était le plan parfait si elle voulait souffrir à s'y attacher. Sebastian voulait simplement la protéger un minimum. Mais peut-être était-ce trop tard. Trop de réflexions qui se mélangeaient, mais une tentation qui surpassait le tout. S'en était trop. Il prit l'initiative de l'embrasser de plus belle, passionnément, oubliant tout ce qu'il pouvait bien y avoir autour d'eux. Entre deux baisers, il ne put résister. "Tu as conscience du foutoir dans lequel on s'est mis ?"

Sebastian réfléchissait. Serena avait raison. Mais il ne pouvait faire autrement que de se mettre des barrières. Lui qui était d'un naturel insouciant, se voyait pour la première fois sujet à une remise en question. Non, il n'était plus avec sa femme, mais il n'était pas encore divorcé. Oui, il avait envie de Serena, encore une fois, ce qui n'était jamais arrivé avec ses autres conquêtes jusqu'à maintenant. Non, il ne pouvait tout simplement pas tout mettre de côté, nier ce qui lui arrivait à ce moment précis. Serena méritait tellement mieux que de se retrouver dans une salle, salie par un homme qui avait foutu sa vie en l'air. Il ne voulait pas faire d'elle une victime collatérale mais c'était trop fort. Elle avait réussie à l'apaiser, à lui donner du plaisir et à le rendre heureux en un temps record. Oui, heureux. Et c'était peut être là ce qui l'effrayait le plus. " Moi aussi Serena. Mais sois certaine de ne pas faire d'erreur." C'est à dire, ne pas s'attacher à lui. Quand bien même se pouvait être le cas pour le trentenaire, il avait assez de vécu derrière lui pour savoir comment régler la chose si celle-ci venait à dégénérer. Il priait pour qu'elle ait compris le sens de sa phrase. Du moins, qu'elle ait eût le temps. Sebastian s'empara de nouveau de la bouche de sa partenaire, lui offrant cette fois-ci un baiser long et moins acharné que les autres. Un baiser significatif pour son inconscient. Ah, mais la vie n'était pas censé être une stupide scène de cinéma. Elle s'en approchait pourtant quelque fois.

A l'entente du petit ultimatum de Serena, la brute était devenue une véritable guimauve. Non. C'était ce qui lui était venue en tête tout de suite. Non, il ne voulait pas et ne se fit pas prier pour la couper " Personne ne s'abandonne ici.". Non, le mot n'était pas trop fort. Si Serena partait, alors il se sera fait lâché. Et cette épaule sur laquelle il pouvait se reposer, il l'avait cherché longtemps. Serena n'était plus cette gentille élève qui le fixait à ses cours. Elle n'était plus cette jeune étudiante qu'il avait revu au bar. Elle n'était plus celle qui l'avait accompagné le temps d'une nuit. Mais Sebastian restait sur ses positions, elle méritait bien mieux qu'une partie de jambe en l'air dans un bureau. Il le savait. Il se le répétait. Mais il se tût, par peur de la voir filer. Par simple égoïsme. Le simple abandon auquel il se livra était celui de son grand désir. Qu'avait-il à perdre désormais ?
Il prit la jeune femme par la taille et le duo redevint inséparable. Il laissa ses mains baladeuses faire le reste. C'était toujours plus simple avec un chemisier qu'avec une robe moulante. Il allait suivre les conseils de Serena à la lettre. Oublier le reste. C'était elle, c'était lui. C'était ces deux personnes qui s'étaient retrouvés un soir dans un bar, qui avaient l'air de se connaitre depuis toujours et qui ne s'étaient plus lâchés depuis. C'était la Belle et la Bête, sous fond de gin et cigarette. Et puis merde, se dit-il.
Sebastian s'était litteralement fait dévorer, aussi bien à l’extérieur par l'enthousiasme de la jeune femme à lui ôter ses vêtements qu'à l'intérieur, où elle commençait sérieusement à mettre ses aises dans son cerveau. Pur plaisir, juste ça, qu'elle disait. Mais si Sebastian ne cessait de se torturer, c'était aussi pour elle.

Sebastian avait évacué son stress. L'instant avait été furtif, quarante minutes tout au plus. En regardant la pendule, ils avaient dix minutes. Dix minutes avant la prochaine sonnerie, avant une éventuelle séparation. Ça lui rappelait des souvenirs, et pas forcément que des mauvais. Serena lui redonnait ce goût de la tentation, une seconde véritable jeunesse. L'amour du risque. Il se rhabilla en une petite minute quand il fallait plus de temps à la demoiselle qui l'accompagnait. Une seconde fois, il en profita pour se diriger vers la fontaine à eau. Il avait soif, et avait besoin d'évacuer cette forte bouffée de chaleur qui l'avait gagné une fois ses esprits revenus. Et qui dit esprit revenu dit retour du doute. Il n'avait pas de raisons de culpabiliser, Serena lui avait répété sans cesse. Mais alors, pourquoi se mettait-il dans tout ses états ? Ça, il n'en savait rien. D'une traite, il avala son deuxième rafraîchissement avant de tourner la tête vers Serena qui l'avait rejoint et embrasser tout aussi rapidement.
Il eût fallut qu'elle glisse ces quelques mots au creux de son oreille pour le mettre dans tout ses états. Il l'avait redouté, elle l'avait fait. Rapidement, il se détacha de son emprise et se depecha à remettre tout le bordel qu'ils avaient foutu en place avant l'arrivée potentielle d'une tierce personne. Des mouvements brusques qui reflétait sa forte envie de casser ce qui se trouvait tout autour de lui. " Tu m'expliques où tu veux en venir ?" Il avait compris, mais il voulait quand même se persuader du contraire. Il lui en voulait. Comment avait-elle pu faire "comme si" et jouer la sourde pour ça. Il s'en voulait. Qu'avait-il fait pour mériter sa considération ? Qu'est-ce qu'il allait faire ? " L'erreur, ce serait de penser comme ça. Parce que tu ne peux pas faire de plans sur la comète aussi rapidement Serena." Qu'il disait. Lui qui à son âge, était père, mari, bosseur, osait lui tenir un tel discours. Irréaliste. " Pourquoi vouloir changer tes habitudes ?"

Sebastian n'était pas du genre à mâcher ses mots quand quelque chose le frustrait. Serena s'était tout pris en pleine poire, et sa réponse ne faisait qu'amplifier ce que redoutait le trentenaire. Tout ce qu'il avait essayé de faire, c'était de la persuader qu'il n'était vraiment pas un modèle à suivre, aussi bien dans le sens propre que figuré. Parce que Serena était jeune, belle et avait toute la vie devant elle pour se poser cette question. " Je suis peut être vieux et con ouais. Mais je suis pas encore sénile. Alors tu pourras me faire croire ce que tu veux, je saurais lire entre les lignes.". Il aurait bien voulu se taper la tête contre le mur en ayant l'air d'un véritable idiot, mais ses mots semblaient déjà suffire dans tout les cas. Serena n'était pas un sac de frappe dans lequel on pouvait taper sans vergogne. Et il est vrai que niveau relation avec autrui, Sebastian avait déjà fait mieux. Mais qu'attendait-elle pour ouvrir les yeux ? Parce que lui, il ne pouvait pas se contrôler. Il ne pouvait pas la laisser partir comme si de rien n'était. Il ne s'était pas confié à cœur ouvert à elle pour rien. Elle avait dans ses mains ce côté complètement disloqué de lui-même, son histoire, ses angoisses. Alors la voir à deux doigts de partir, c'était tout bonnement la laisser s'en aller avec une part de lui-même.
Alors qu'elle avait posé ses mains sur la poignée de porte, Sebastian s'interposa, superposant délicatement sa main sur la sienne en s'appuyant sur la porte. Heureusement que Serena le connaissait un minimum, parce que niveau déséquilibré, on aurait pas vu mieux. " Je suis vraiment désolé." De tout. Est-ce que ça allait suffire pour elle ? Rien en était moins sûr. Il lui vola un baiser furtif. Elle aurait pu le gifler, il en aurait tout de même était heureux.

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