Alexis & Willow

Avec l’arrivée de Riley à la maison, la moindre des choses que l’on puisse dire est que je me sens bien mieux. Le cafard lié aux soirées en solo semble révolu et avoir quelqu’un avec qui regarder ce qui passe à la télévision ne m’a jamais semblé aussi agréable. Pourtant, j’ai toujours cette sensation de vide que j’aurais bien du mal à qualifier et lorsqu’en prenant mon petit-déjeuner, j’ai lu les actualités de la ville sur le journal ce matin, ça a été comme une évidence : je devais me rendre à la journée portes ouvertes de la SPA (version américaine).

C’est ainsi que je me gare sur le parking des lieux. Il y a une foule incroyable, notamment des familles avec des enfants en bas âges. Est-ce que je suis le seul homme de 35 ans à vivre seul dans cette ville ? J’ai bien du mal à y croire, ou en tout cas, je tente de me persuader du contraire. M’enfin… Je ne suis quand même pas venu là pour rien, alors je m’avance en direction des portes d’entrée. Chat ? Chien ? Je vois un panneau mentionnant ‘Alligator’ et je ne peux pas m’empêcher de pouffer de rire bêtement, me demandant quel est l’idiot qui a voulu faire cette blague. Pourtant, je suis le panneau, curieux et j’arrive bientôt devant une sorte d’entrepôt désert. Je m’avance. « Y’a quelqu’un ? » Aucun bruit. Aucun visiteur. Dans des cages, des iguanes, des serpents. Qu’est-ce qu’ils font enfermés ? Je dois dire que je ne suis pas très friand de ces bêtes là. Et bientôt, alors que je m’approche d’un des serpents en cage, celui-ci tente une attaque et je recule dans un sursaut, hurlant au passage comme une fillette.

Cette visite porte ouverte s'annonçait déjà ennuyante à mourir mais Sasha voulait absolument voir ces bestioles alors bon, on ne pouvait pas faire autrement. Mes parents ont toujours eu du mal à lui dire non. Et je comprends pourquoi avec cette bouille d'ange, et que tu veux prendre ses petites joue bouffies entre tes mains. Sur la route je me disais ok laisse tout derrière toi et rattrape le temps perdu. Sauf que ce n'était clairement pas mon truc. En plus pourquoi la SPA, c'est genre l'endroit que tu ne peux pas quitter sans avoir un animal sous le bras tellement ils te font de la peine. C'est ainsi que notre voiture se gare sur le parking et que la miss commence déjà à courir partout, avec joie au bout des lèvres. Hey! Ralentie tu veux? Les animaux ne vont pas disparaître, Sasha! que je cries sous les yeux alarmant de certains habitants de Burlington se demandant certainement pourquoi je cries comme ça. Me sentant un poil nerveuse, je rentre ma tête dans mes épaules et en la voyant s'éloigner comme un petit singe je ne peux contenir un sourire. C'est moment là me manquait, me manque. Je me retourne face à mes parents et roule des yeux avant d'essayer de la rattraper au pas de course.

Toutefois, c'est une vrai flèche et j'ai bien peur qu'en essayant de la rattraper je me sois perdu moi-même dans cette endroit, un vrai labyrinthe.  Bien sûr je n'ai pas regardé les panneaux d'affichage et donc ne sait absolument pas où je me trouve. Il n'y avait aucun bruit et pendant un court instant mes jambes ne voulaient plus bouger. Je n'avais pas peur, non, enfin je crois. Puis j'entendis un cri, le cri d'une fillette je dirais, instinctivement je pense à ma sœur et je cours dans sa direction, je tourne plusieurs fois avant d'arriver devant des cages remplient de reptiles et je vois cet homme, là. Je me pose des questions à savoir où est ma sœur. Je l'aborde donc. "Excuse-moi, j'ai entendu crié, je pensais que c'était ma sœur. Vous l'auriez pas vu ?" Puis en y réfléchissant et en ne voyant personne d'autres que nous, je me dis que ce cri venait peut être de lui.
Je me retiens de rigoler. "Attendez, c'était vous ?"

Je suis heureux de constater que je suis seul, ou en tout cas, c’est ce que je pensais avant qu’une jeune femme ne m’aborde. On m’a entendu et visiblement, elle comprend rapidement que je suis l’auteur du cri. Je suis gêné et vite, je ne sais plus où me mettre. Je suis de ces personnes qui préfèrent être invisible plutôt qu’au centre de la scène. Je tente de sourire, pour les apparences, mais je ne suis pas très doué pour les faux-semblants. « C’était bien moi, en effet. » Une grimace finit par s’afficher sur mon visage. « Je ne pensais pas que… Enfin, laissez tomber… » Une fillette ? Sérieux, j’ai un cri de fille pour qu’elle me compare à sa sœur ? A moins que cette dernière n’ait la voix particulièrement grave, ce qui m’étonnerait tout de même. Mais vaut mieux ne pas terminer cette phrase commencée plus tôt. « Je n’ai vu personne dans cet entrepôt. Elle est comment votre sœur ? » Peut-être que j’ai pu la croiser sur le chemin en venant ici mais j’ai beau réfléchir, j’ai peur de ne pas pouvoir être d’une grande aide étant donné que je n’ai pas vraiment analysé les autres personnes. « Enfin, si ça peut vous rassurer, je doute qu’elle se soit fait manger par un de ces reptiles vu qu’ils sont en cage… » Mais qu’est-ce qui me prend sérieusement ? Je suis bien plus doué pour les relations sociales d’habitude. Et puis, je repense au panneau signifiant les alligators. Et si ce n’était pas une mauvaise blague après tout ? Je ne voudrais pas affoler la demoiselle et décide donc de ne pas lui parler de cette éventualité, mais pour tout de même m’assurer qu’il n’y a aucun danger de ce côté-là, je propose : « Je peux vous aider à faire le tour de l’entrepôt si vous voulez, voir si on la trouve ? »

Il se pourrait que la situation soit un peu trop embarrassante pour l'homme qui se tenait en face de moi. Et je peux le comprendre, avoir affaire à une inconnu qui plus est ayant entendu le cri d'une fillette sortir de sa bouche,
c'est comment dire peu avantageux. Il affirme alors que le cri venait bien de lui et je me retiens de lui rire au nez. Même si le fait de serrer la mâchoire dévoile mes intentions. Je ne vous jugerais pas. Revenons plutôt au réel de la bourde dans laquelle je me suis fourrée et du problème. Ma sœur a disparu dans cette fourmilière de gens et si je croise mes parents sans elle, c'est moi qui finirait par crier comme une fillette enfermée dans ma chambre. Il me demande ensuite de la décrire, alors je m'exécute. Elle est pas plus haute que ça -genre au niveau de ma poitrine-, brune coiffée avec des couettes et elle porte un sweat bleu ciel. On dirait presque que je réponds à un interrogatoire de police. Je pense que je ne pourrais pas mieux la décrire. Je continue à scruter les environs, évitant de m'approcher de l'enclos. Les reptiles nous fixent longuement ce qui commence un peu à me mettre mal à l'aise. Elle s'appelle Sasha. que dis-je pour éviter d'y penser. Puis il me sort la pire chose afin de détendre l'atmosphère, du moins je pense que c'est ce qu'il essayait de faire mais il est clair que ce n'est pas une réussite. Mon regard se veut interrogateur et surtout inquiet. Je fronce le nez et réponds. J'espère pour vous que c'est une mauvaise blague. Et si vous tenez tant à m'aider, éviter d'en rajouter. Je ne suis peut-être pas des plus avenante avec lui mais, il l'a cherché aussi. Je commence par m'éloigner de lui, sans forcément y prêter plus attention.
Puis quelques secondes de silence passe et je me retourne vers lui. Bon vous venez ou vous attendez que les alligators vous bouffes ?

Ne le voyant pas bouger, je partis rapidement à contre sens pour retrouver ma sœur avant que mes parents ne s'en aperçoivent et me fassent une belle crise de panique.

The end.

Spoiler: