Trois ans plus tard... [Sebastian]

Sebastian aimait son job bien qu'initialement, il voulait devenir archéologue.  Gamin déjà, il rêvait d'aventures en jouant les explorateurs avec son chapeau réplique d'Indiana Jones. En rentrant au lycée, il avait tout les bagages pour suivre son rêve : Il avait le charisme et les résultats, rendait les parents fiers et s'imaginait déjà loin du Vermont, à parcourir les quatre coins du monde seul et indépendant. Depuis, ses plans d'avenir ont du être modifiés, mais Sebastian n'était pas dérangé à l'idée d'enseigner dans le lycée qui l'avait vu évoluer. C'était toujours assez étrange de devoir discuter « administration » avec un ancien professeur de mathématiques à la pré-retraite ou de se forcer à éviter sa fille aînée, occupée à galocher le cancre le moins fiable du lycée devant la porte de sa salle dans le seul but de le faire craquer. Alors oui, Sebastian ne se plaignait pas de son métier. C'est vrai, il adorait être au service des autres. Il n'était pas non plus l'enseignant le plus chiant du monde. Quitte à donner moins de boulots aux élèves, ça lui en ferait moins à noter à l’extérieur. Seulement, il ne pouvait rendre des copies non corrigées.
Il se faisait tard, et les nuisances de la ville ne donnait pas forcément au brun l'envie de s'attarder sur une montagne de copie. Il allait héberger sa benjamine ce week-end et n'allait avoir que peu de temps à se consacrer.
Il prit son cuir et partit sur un coup de tête en direction d'un bar qu'il avait l'habitude de fréquenter, à quelques rues de chez lui. Il se posa au comptoir et commanda un whisky. Les courants d'air et le fond sonore lui faisaient un bien fou, lui qui détestait rester enfermé chez lui. Pensif, il jouait à faire tourner son alliance en guise de toupie sur la table quand il entendit une voix féminine résonner près de lui sans savoir que celle-ci lui était directement adressée. "Monsieur Casey ?" . Cette fois-ci, ne pouvant pas nier, il regarda en direction de cette jeune brune qui semblait tout aussi étonnée que lui de la voir dans ce genre d'endroit. Il avait rapidement mit un nom sur cette tête. " Serena ?"
Il lui fit signe de s'asseoir avant de mieux l'observer. Serena était une des rares élèves ayant marqué l'esprit du professeur. Non pas qu'elle lui ait mené la vie dure, elle était brillante et très intelligente mais restait une jeune lycéenne jeune et innocente. Une rumeur avait été brièvement lancé comme quoi elle avait des vues sur le brun mais Sebastian gardait la tête sur les épaules. Il ne voulait pas entendre parler de ces clichés absurdes sur l'étudiante amoureuse de son professeur. À y repenser, elle n'était pas réellement discrète et quand bien même cela aurait été le cas, il s'agissait surement d'un état passager.
Il accorda son plus beau sourire à la brunette qui semblait avoir la tête sur les épaules. Il n'avait aucune raison de se sentir mal à l'aise à ses côtés.  " Qu'est ce que tu fais ici ? Pas trop jeune pour ce genre d'endroit ?" . Il se trouvait stupide. Elle devait avoir la vingtaine aujourd'hui, et comme tout étudiant qui se respecte, elle allait bien s'amuser un vendredi soir.  

Sebastian écoutait la jeune femme tout en buvant minutieusement son verre à la main. Il n'était pas du genre à copiner avec ses élèves, mais il est vrai que certains attirait son attention. Quelque fois, il ne se privait pas d'interrompre son cours pour parler musique avec l'un d'entre eux. Il ne voulait pas être considéré comme un prof ringard pour la simple et bonne raison qu'il n'en était pas un. Et si cela devait faire grand bruit dans la salle des professeurs, Sebastian n'allait pas changer sa méthode pour autant.
Preuve que cela ait fonctionné, il se retrouvait au comptoir d'un bar accompagné d'une ancienne élève. Plusieurs personnes trouveraient cela malsain. Sebastian lui, s'en fichait pas mal. Elle n'était pas méchante Serena, elle était assez grande pour savoir si cela était une bonne idée ou non. Pourquoi se prendre autant la tête ? " Oh pitié, je ne suis pas si vieux que ça quand même ? " fit-il en réponse à la jeune femme qui semblait indécise quant à l'utilisation du tutoiement. " Tu peux même m’appeler Sebastian si tu veux."
Il sorti un billet de sa poche et le tendit au premier barman qui croisa sa route. "Avec ça, payez le mojito de la demoiselle et servez moi un autre whisky s'il vous plait.". Il ne prêtait que peu d'attention à la réaction de la jeune femme. Les fins de mois en tant qu'étudiant, il savait ce que c'était. S'il pouvait éviter de la mettre dans une galère pour quelques verres, alors il le ferait avec plaisir. Elle voulait s'amuser, lui aussi. Il s'accosta au comptoir pour mieux observer la brunette et lui accorda un sourire naturel. "Alors la vie étudiante ? Pas trop nostalgique du lycée ?".

Tandis qu'il sirotait son deuxième verre, Sebastian écoutait d'une oreille attentive son ancienne élève. La musique se faisait de plus en plus forte, mais il lui prêtait toute son attention. Il aimait les surprises que lui donnait la vie. Du moins, les bonnes surprises. Du temps où il vivait encore avec sa femme, jamais il n'aurait pu savourer un verre en charmante compagnie. L'idée en elle-même ne l’intéressait pas. Mais à force d'entendre tout ses défauts sortir des bouches des personnes qui comptaient le plus pour lui jusqu'à maintenant, il avait décidé de faire le sourd. Certes, ça n'avait rien arrangé, mais de toute façon, il n'avait plus aucun compte à rendre. Il avait à ses côtés la représentation d'une jeunesse qu'il connaissait sur le tard. Non pas qu'il regrettait le fait d'avoir assumer très jeune la paternité. Mais entre les couches et les cups rouges, un choix reste préférable. « Et toi, toujours au même lycée ? Tes anciens élèves ne te manquent pas trop ? ». Le brun esquissa un sourire. Plus le temps passait et plus il se rendit compte que son jugement était faux. Elle n'avait pas changée de tactique, Serena. Toujours dans la fleur de l'âge, mise en avant, les mêmes mimiques qu'en cours. Aujourd'hui, sa femme ne l'attendait plus avec un bourguignon dans l'assiette. " Toujours oui. Si tout les élèves pouvaient ressembler à Mademoiselle Harwood, la vie en tant que prof serait bien plus simple." Et il était sérieux en disant ça. Serena s’intéressait vraiment à ses cours, du moins, elle en donnait l'impression. L'époque n'était pas si lointaine, mais les gamins devenaient de plus en plus chiants. Et même si les copies parfumées de quelques jeune pubères lui faisaient plaisir, il en serait de même si les notes dépassaient la moyenne. Pour quel enseignant allait-il passer après ? Serena avait la même tactique, mais elle au moins, elle était bien partie pour réussir.
En attendant, passer du temps avec une personne extérieur à ses tracas quotidiens lui faisait plaisir. Il n'avait plus envie de parler avec elle comme il aurait pu le faire dans une salle de classe. " Tu attends du monde, j'imagine ?". Sebastian n'avait jamais vu traîner la brune dans le bar, ou du moins, ne portait pas d’intérêt à savoir qui passait la porte. D'un côté, sa présence ne le gênait pas, bien au contraire. Elle changeait des quelques personnes sans grand intérêt ou nymphomanes qui enclenchaient habituellement la discussion.

"Ah ouais, t'aimes donc faire craquer tes élèves !" . Sebastian ne savait pas trop comment le prendre. Disons qu'une réflexion du genre pouvait lui causer gros professionnellement. Bien-sûr, il prenait ces paroles à la rigolade quand ça venait d'une personne exterieure au lycée mais tout de même : Elle n'était pas la dernière à lui faire quelques remarques ambiguë. Serena était la première de l'alphabet : Toujours ponctuelle, toujours visible. De plus, il s'agissait d'une véritable boule d'énergie. Autant dire que son absence se faisait vite sentir quand elle ne venait pas.
Bien évidemment, elle n'avait pas été la seule. Sebastian ne considérait pas ses élèves comme son cachet final, non. Il aimait la discussion avec ces jeunes. Il enseignait depuis huit ans pour sept classes par année. Ici, le planning ne changeait pas tellement. Alors ces gamins, c'était un peu ce qui le sortait de la routine. Si cela plaisait tant mieux. Mais cela avait pas mal changé depuis l'histoire avec sa collègue. Les langues se deliaient à son cours d'une façon peu discrète. De plus, il est bien facile de repérer un gars endeuillé et en plein divorce. Stress, impulsivité.. la jeune femme ne serait probablement pas assise à ses côtés aujourd'hui si elle l'avait eu cette année.
Dans tout les cas, discuter avec la brunette lui faisait du bien moralement. C'était pourtant une situation basique, sans grosses révélations ou termes insolites. Mais, pour un gars qui s'enfermait toujours un peu plus chaque jour, cela représentait beaucoup.
Serena lui retourna la question posée précédemment. " Je viens souvent ici, l'ambiance est sympa. Mais je suis ce loup à part, celui qui fuit la meute.". Ou alors, c'était les autres qui le fuyaient. Il lui restait quelques amis, mais ils avaient leur vie de famille et habitaient plus ou moins proche de la ville. Il commanda un troisième verre. Serena avait l'air mal à l'aise. Il comprenait si elle voulait s'en aller. Il ne montrait pas non plus un côté des plus avantageux. " Tout va bien ? Tu veux un verre d'eau ?". Non, elle voulait probablement prendre l'air.

Rassuré, Sebastian venait de finir son verre d'une traite. Pour tout avouer, lui aussi avait chaud et n'était pas contre un bon bol d'air. Cela tombait bien que la jeune femme lui propose; déjà, il était rassuré de savoir qu'il ne la dérangeait pas plus que ça. Il répondit de son invitation d'un mouvement de tête " Ah non, au contraire, c'est ce que je voulais te proposer." sorti son paquet de cigarette et aida la jeune femme un peu vertigineuse à se relever. Une fois à l’extérieur, le brun prit une longue inspiration, toute en vérifiant que la jeune femme reprenait ses couleurs. Il alluma sa blonde et en proposa une à la jeune femme. Le contraste entre l’intérieur et l’extérieur était évident : Le brouhaha s'était transformé en un son d'arrière plan et la fraîcheur nocturne permettait à Sebastian de respirer. Il espérait que cela ait le même effet sur la jeune femme, il veillait à ce qu'elle ne s’évanouisse pas après quelques verres. " Tu te sens mieux ? " Question débile, mais qui comblait un peu ce silence. Sebastian leva les yeux et constata la pleine lune. Peut-être que sa sauvagerie du soir venait de là. Lui qui, d'habitude, avait vraiment du mal à tenir l'alcool, se sentait dans un état agréable. Bon, en même temps, trois verres n'allait pas le tuer. Il avait presque envie de remercier l'étudiante de lui avoir un peu changé les idées, lui qui serait probablement toujours au comptoir à l'heure qu'il est.

Les températures avait baissés ces derniers temps. Le froid se faisait rapidement ressentir sur l'état frontalier du pays de la glace. Pour y avoir passé plusieurs hivers, Sebastian savait que le climat canadien n'allait pas plaire à tout le monde par exemple. Même dans le Vermont, l'été avait de toute façon tiré sa révérence. Le contraste entre la chaleur étouffante de l’intérieur et le vent nocturne de l’extérieur était tel que Sebastian ne mit pas longtemps à se sentir mal pour Serena. Lui, il avait sa veste, elle, n'avait qu'une robe et un espèce de gilet qui faisait plus office d'accessoire que de réel coupe-froid.  Dans tout les cas, vu leurs états respectifs, il ne pouvait se plaindre du grand bol d'air. Du moins pour Serena, parce que Sebastian avait encore les idées clairs. Il avait remarqué le contraire sur la jeune femme à l'instant même où celle-ci vit ses gestes se faire lent et troubles. Lui qui pensait discuter avec une simple élève jusqu'à maintenant, remarqua que les mojitos de la jeune femme s’avéraient être quand même bien dosés. Après tout, qu'est ce qui pouvait empêcher une étudiante de s'amuser un peu ? Elle fêtait son weekend, voilà tout.
l'hypothèse de Sebastian se confirma quand la jeune femme lui avoua qu'elle aurait "donner cher" pour pouvoir prendre un verre avec lui. Le brun rigola. Rien d'un rire moqueur, il en était même touché. " Et donc, pas trop déçu du résultat ?" Que pouvait-il bien répondre d'autre ? Après tout, il aurait très bien pu la cerner avant. D'ailleurs, ses yeux vagabonds ne trompaient pas. Malgré l'amusement de la scène, Sebastian ne pouvait se contenir bien longtemps. Après tout, lui aussi était curieux. " Tu penses réellement ce que tu dis ?" Dit par-là, l'avouait-elle par elle-même ou l'alcool lui jouait des tours ? Il ne voulait pas non plus qu'elle se sente coupable. Peut-être avait-elle un copain, ou peut-être n'était-il pas le seul professeur à l'avoir fait craquer plus jeune. Voyant la jeune femme commencer à grelotter, Sebastian s'approcha un peu plus d'elle. Il enleva sa veste et la mit sur les épaules de la jeune femme. Lui qui se retrouvait bras nus désormais, se fichait pas mal des températures; il n'était pas très frileux. Pour autant, était-ce nécessaire de nourrir les clichés gentleman ? Pourquoi pas ? Il s'en voudrait de la savoir malade d'un foutu rhume par la suite.