Libre - Virée improvisée

Le banquier, ce fumier ! Je sors tout juste de son agence après plus d’une heure de rendez-vous – et encore, parce que je l’ai écourté car sinon, j’y serais encore. L’homme m’avait demandé de tout lui ramener : les bilans de la boutique des dernières années, les fiches des stocks, un graphique indiquant les flux de la clientèle. J’avais mis des heures à tout préparer. Et pourtant, le prêt a été refusé. « Je ne vais pas vous accorder un prêt que vous serez dans l’incapacité de rembourser quand même… » m’avait-il dit de sa voix, sûr de lui, sans une once d’humanité. Je ne sais pas s’il se rend compte de tout ce que représente pour moi, cette boutique de vêtements que mes parents m’ont légué alors que ma mère a été diagnostiquée d’un cancer il y a quelques années. Je sais que les affaires ne marchent pas bien mais justement, ce crédit c’était pour refaire de la pub, pouvoir relancer le business… Je ne veux vraiment pas mettre la clé sous la porte ! Des larmes commencent à couler le long de mes joues alors que je m’assois, par terre, en pleine rue. Ressaisie toi Jazz, tout va s’arranger ! J’essaye de m’en persuader en tout cas et me relève au bout d’un moment. J’entre dans ma voiture. J’ai un grand besoin de me vider l’esprit alors je commence à conduire et je ne m’arrête plus. Ce n’est que proche de la sortie de la ville que je remarque quelqu’un qui a l’air de faire du stop. Je m’arrête. « Vous avez besoin d’aller quelque part ? » Finalement, un peu de compagnie d’un(e) inconnu(e) ne me fera pas de mal…

Je lui fais aussitôt signe de monter dans la voiture. Elle n’a pas l’air bien méchante et c’est tant mieux. Je lui souris gentiment alors que ses paroles m’embêtent un peu. Elle n’a aucune contrainte et ne m’en pose aucune alors je devrais être plutôt contente mais la vérité étant que je ne sais pas moi-même où je veux me rendre, ça risque de poser souci à un moment donné. Je finis par sourire et je lui propose alors : « Et bien on va se contenter de rouler vers une destination inconnue dans ce cas et on verra bien où on atterrira. » C’est bien la première fois que je pars de la sorte sans aucun plan. Je suis plutôt quelqu’un qui aime prévoir à l’avance donc c’est plutôt inhabituel mais je me sens toute excitée à cette idée. Je lui aurais bien demandé si elle préfère la mer ou la montagne mais je ne compte quand même pas parcourir 1000 kilomètres. Je n’ai déjà pas d’argent pour faire le plein alors autant ne pas abuser. Je lui demande bientôt : « Vous aussi vous avez juste envie de partir d’ici, vous éloigner ? » Ma conclusion est peut-être un peu vite formulée mais ainsi, elle saura que je n’ai pas de but précis. Je commence à rouler aussitôt qu’elle s’est installée. Je change de station de radio pour quelque chose d’un peu plus énergique et je tombe sur du Katy Perry. « Ca vous convient ? Sinon vous pouvez changer. » Je me mets à remuer sur mon siège, me dandiner en chantant à tue tête et dès que la chanson se termine, j’adresse de nouveau quelques paroles à ma nouvelle camarade. « Je suis Jazz. »