(w/ Australia) Le hasard fait bien les choses

Les yeux clos, le dos appuyé contre le siège conducteur de ma voiture, je soupire. J'aurais dû me douter, avant de me remettre à dépenser dans ce magasin, que si je n'avais pas été satisfaite les deux premières fois, ce serait également le cas par la suite. Je me retrouve donc de nouveau sur le parking du centre commercial, prête à aller faire mon petit scandale dans ce magasin de vêtements dont je n'arrive jamais à me rappeler le nom.
Je me motive à sortir du véhicule pour aller à nouveau, affronter la vendeuse très aimable qui tient la boutique et me dirige donc vers l'entrée du centre pour me retrouver quelques minutes plus tard à la caisse du dit magasin. Elle est occupé avec d'autres clients et je patiente nerveusement. L'amabilité n'est décidément pas son fort à celle-là. Chewing-gum en bouche, machouillage peu discret, voix hautaine. Je vais me faire une joie de l'incendier.

Australia ne fréquentait les centres commerciaux qu'en cas de grande nécessité. Elle n'aimait pas l'ambiance qui y régnait, de plus il y avait trop de monde à son goût, elle se sentait très vite étouffée. Elle préférait la plage et le vent frais à la climatisation trop forte des magasins. Elle n'avait guère le choix d'y retourner aujourd'hui ; elle devait trouver un cadeau pour sa meilleure amie et aussi une tenue pour assister à une fête de charité au nom d'une entreprise qu'elle ne se souvenait plus. Elle trouva une boutique ni trop chère ni de trop basse qualité, un compromis assez rare de nos jours. Et bien qu'Australia ne puisse pas entendre, elle était toujours capable de voir et de deviner les réactions et jugements des autres personnes - ceux-ci ne se portant que très rarement sur son handicape. Elle n'avait pas un physique dégelasse, loin de là et pourtant elle ne se sentait pas très à l'aise dans ce genre de boutique. Elle choisit deux tenues qu'elle essaya dans les cabines. Sortant dans le couloir des cabines pour faire face à la grande glace, elle surprit deux vendeuses du magasin pouffant à la vue d'une femme dans les vêtements qu'elle venait d'essayer. L'attitude des gens, leurs actes ne trompent jamais. Piqué à vif, Australia se rhabilla à la hâte, laissant en bordel les robes derrières elle - elles n'auront qu'à travailler un petit peu - et se dirigea vers les caisses du magasin pour demander un responsable. Dans sa hâte, Lia bouscula une personne, se retournant pour s'excuser, elle reconnut Nirvana, une fille qu'elle avait rencontrée lors d'un de ces voyages. Australia la salua d'une voix fébrile - elle ne parlait que très rarement et lui sourit chaleureusement.

Je ne suis devant le comptoir que depuis quelques minutes seulement et la vendeuse m'agace au plus haut point. Aucun regard en direction des clients, pas de signe de politesses et son machouillement permanent qui me tape sur le système. J'étais sur le point de faire demi tour et d'aller me plaindre directement sur le site internet du magasin quand quelqu'un me bouscula, je m’apprêtait à hurler lorsqu'une petite voix me salua après s'être excusée. Relevant légèrement la tête, tout sourire, je me retrouve face à une jeune femme que je connaît depuis quelques temps déjà. Australia. J'avais rencontré cette dernière lors d'un voyage et nous avions rapidement noué des liens, bien que celle-ci ai un peu de mal à s'ouvrir aux autres. Me rappelant de sa surdité et ne souhaitant pas la brusquer, je lui souris avant de lui répondre à voix haute, mais également en signe. Me retrouver face à elle, m'a calmer presque aussitôt, elle diffuse une aura calme qui apaise tout le monde autour d'elle. Curieuse, je m'empresse de lui demander de ses nouvelles, parlant lentement de sorte qu'elle puisse me suivre, hésitant un peu quant à ma connaissance encore trop approximative de la langue des signes. « Oh Australia ? C'est étonnant de se croiser ici, comment vas-tu ? » Je lui souris de nouveau, décidément, moi qui était prête à clouer le bec de cette vendeuse odieuse, je suis devenu un véritable mini BN, mais si vous savez, distributeur de sourire tout ça.

Cette enseigne était vraiment peu recommandable, des vêtements de mauvaises qualités, un personnel on ne peut plus exécrable, des prix trop chers, un éclairage trop fort (oui quand elle était énervée Australia pouvait trouver les pires défauts inimaginables). Elle n'avait qu'une envie : faire part de leur façon d'être à la presse locale, de quoi faire une mauvaise pub et un mauvais chiffre d'affaire. Et même si Lia était prête à faire un scandale contre cette pratique immorale, elle se calma assez vite lorsqu'elle vit Nirvana. Elle se souvenait de cette jeune femme qui avait à peu près son âge, elle se rappelait qu'elle parlait la langue des singes et c'était d'ailleurs ce qui les avait très vite rapprochées à l'époque. Nirvana lui répondit dans les deux langues, une chose qu'Australia appréciait, car même si la plupart du temps elle était capable de lire sur les lèvres, elle faisait souvent des contresens. Australia lui répondit elle aussi dans les deux langues, moins à l'aise quant à sa prononciation, mais elle savait que Nirvana faisait un effort pour signer, alors elle fit de même. « Oui, c'est dingue ! Ca va bien et toi ? Depuis combien de temps es-tu en ville ? ». Elle laissa passer devant elle des clientes qui se dirigeaient vers la caisse, son petit discours déjà envolé.