L'aprèm restau - Anton

L'aprèm restau

Aura & Anton

Le coup de feu du midi avait été assez prenant, généralement c’est juste avant que le rush éclate car il faut tout préparer en amont, du moins ce qui peut être anticipé et tout lancer sur le coup de midi au fur et à mesure des commande. Déjà que ce restaurant semi-gastronomique restait pointilleux sur la qualité des plats, il fallait également respecter un certain timing dans l’envoi. Sur le coup de 13h30-14h, c’était légèrement plus calme. Le remue-ménage en cuisine était de moins grande ampleur et l’ambiance légèrement plus détendue.

Il y avait une certaine pression lorsqu’on voulait que tout soit vite fait et bien fait ! Anton était donc là, en train de préparer un de ses plats phares, les spaghettis au pesto. Mais pesto maison et il s’agissait bien d’une préparation revisité étant donné qu’il avait remplacé une partie des condiments par de la courgette. Les pâtes étaient évidemment cuites al dente comme il le fallait et le cuisinier était en train de tout disposer d’une façon élégante et à la fois simple, dans le plat. En guise de décoration, il s’attelait à la découpe minutieuse de tomates cerises qu’il avait ébouillanté d’abord afin de les peler plus facilement.

Il sentait un présence arriver à quelques pas de lui sans pour autant qu’il regarde étant donné qu’il se concentrait davantage sur ce qu’il préparait. Rapidement, cette ‘présence’ lui adressa la parole et confirma ses pensées. Il s’agissait bien de la jeune Aura qui passait dans le coin comme elle avait commencé à prendre l’habitude de le faire depuis plusieurs jours.

« Ciao Ragazza, come vai ?» dit-il. « Et bien comme tu le vois, je fignole juste la présentation de la Pasta al pesto… » continua t-il tout en ajoutant les tomates sur le plat, avec délicatesse pour que ça tienne comme il le souhaitait. Enfin il regarda la jeune fille en tendant sa main comme si elle savait ce qu’il demandait et curieusement c’était le cas. Il s’agissait d’une paire de ciseaux posée à quelques centimètres d’elle. Il fallait qu’il ajoute les dernières herbes. Se saisissant d’un peu de menthe il tendit le tout à proximité du visage de la lycéenne « tiens, sens moi ça ». Avec une approbation de la nouvelle arrivée, il cisailla donc la menthe pour ajouter une dernière touche de verdure et de senteur au plat.
« Quel vent t’emmène ? Ou plutôt, devrais-je dire quelle faim t’amènes ? Tu as déjeuné ? ». Il la regardait à présent, assise où elle s’était installée dès le début. En même temps que de l’écouter, il réfléchissait à ce qu’il pourrait lui faire. En  même temps, il lui restait une panacotta à préparer pour un client.
« Mais dis-moi, c’est les vacances ? ». Il était un peu perdu s’agissant des calendrier scolaires il fallait avouer.

L'aprèm restau

Aura & Anton

Anton hochait la tête ravi de ne pas connaître ces tortures de révisions. « Je cuisine encore et toujours, du mieux que je peux. Parce que tu sais, dans la vie, quoi que l’on fasse, il faut le faire au mieux et avec passion ».

Alors qu’il envoyait l’assiette, il allait chercher au frigo à quelques mètres la panaccotta préparée le matin et il sorti par la même occasion des fruits rouges déposés au frais ainsi qu’un coulis qu’il avait préparé en accompagnement. Il revenait à son plan de travail, saisit une assiette et commença à préparer le dessert.
« Bon, ça arrive à tout le monde de se louper ! Ne t’en fais pas je suis certain que ça ira la deuxième fois, puis tu as déjà vu les matières donc ça sera plus facile normalement ». Ce qu’il savait, c’était qu’il pouvait s’assurer que la demoiselle prenne l’alimentation nécessaire pour être en forme dans le cadre de ses révisions.

« Désolé mais, c’est pas mon truc les cours d’été. Enfin ça dépend, c’est quoi alors les matières que tu dois repasser ? Si encore c'était l'italien ou des cours de cuisine, je dis pas mais je doute fort que ça soit ça !». Il l’écoutait d’une oreille et s’activait sur la préparation du dessert. En même temps, il fit signe à la jeune fille de descendre du plan de travail et puis lui glissa un « va te laver les mains et viens me filer un coup de pouce, j’ai besoin d’un sous-chef » dit-il pour la faire penser à autre chose que ses révisions.

Cela ne prit pas beaucoup de temps pour qu’il mette le coulis sur la panacotta et décore l’assiette de quelques poids de coulis. Puis il décida d’expliquer à Aura « alors, est-ce que tu peux s’il te plait disposer ces framboises là » il tendit la boite « debout dressées comme ceci » il montra l’exemple pour deux trois « sur la surface du coulis sans appuyer ? ». Il l’impliquait sans aucune raison mais se doutant que ça lui plaisait, et continuait à discuter. « Je peux t’aider une fois que tu auras appris ce qu’il faut, histoire de vérifier que tu as les choses en tête si tu veux. Enfin si j’ai le temps… »

Il sorti du frigo de sorbet citron préparé maison et commença à faire un boule pour la disposer à côté de la verrine.  « Bon, la pasta al… qu’est-ce qui te ferait plaisir ? Carbonara ? Pesto ? Basilic ? Parmigiano ?  Autre chose ? ». Il fallait qu’elle mange des sucres lents. C’était bon pour le cerveau.

En même temps, Anton gardait un œil se tenant derrière la jeune fille pour s’assurer qu’elle ne merde pas la présentation du dessert. Il remarquait qu’elle s’appliquait et qu’elle s’en sortait bien. « Top merci, tu vois, la cuisine c’est aussi simple que ça ! ». Il fit envoyer le dessert qui venait d’être achevé et posa de nouveau une question relative aux rattrapages. « Et c’est pour quand que tout doit être préparé et bien révisé ? ».

L'aprèm restau

Aura & Anton

Le grand brun remarquait bien l’application que Aura mettait dans la finalisation du dessert. A vrai dire, bien qu’elle prenait ses révisions plus qu’à la légère, c’en était tout autre pour la cuisine. Le jour de la rencontre, elle avait réellement manifesté un intérêt pour le milieu sans  trop savoir à quoi s’attendre et elle avait rapidement pris ses marques. La preuve elle se trouvait là en cuisine, à l’arrière des coulisses comme on dit. Bien sûr, ça n’était pas tous les jours drôles et l’empressement accentuait les tensions. Selon les horaires de service c’était plus ou moins difficile mais la lycéenne savait bien les heures à éviter pour ne pas trop déranger. Puis, l’italien essayait toujours de faire en sorte qu’elle se sente bien là car il savait qu’elle luttait contre une autre personnalité parfois. Il était au courant de plusieurs choses à son sujet mais l’appréciait telle qu’elle était. D’ailleurs, il voyait en la jolie jeune fille du potentiel.

« Et bien…. pour la cuisine, pourquoi pas…. mais gare à toi, à la moindre bêtise je te fais cuire au bain marie » dit-il sur le ton de l’humour. « Dis pas que c’est chiant, tu verras ça te rendra service plus tard. Dans l’immédiat je comprends qu’il n’y a rien de drôle, mais c’est toujours utile. Puis, Damien doit être plutôt pédagogue non ?! ».

L’assiette partie, il pouvait à présent s’atteler à la préparation qui satisferait l’estomac de la jeune fille.
« buona scella ragazza ». Il alla de nouveau se laver les mains puis demanda alors à l’apprentie « alors, est-ce que tu sais ce qu’il faut pour faire une vraie carbonara a l’italienne ? ». Ce fut un petit test culinaire pour lequel la demoiselle n’était pas loin mais le cuisinier du insérer des ingrédients spécifiques.
« Pour les spaghettis, tu as bon. Facile. Des œufs c’est bien ça mais il faut que tu oublies les lardons. C’est juste… ». Il fit la mimique d’un dégoût prononcé car le produit n’était pas de qualité. « Ce qu’il faut, c’est du guanciale » ajouta t-il avec la prononciation italienne parfaite. « Rien à voir avec le lard. C’est un morceau de viande non fumée qui vient des joues du cochon… ». L’étranger fit mine de regarder la jeune fille et particulièrement ses joues. « Les tiennes ne feraient pas l’affaire…. y’a rien dessus ! ».

Pour reprendre son sérieux, il termina « Et, ce qu’il faut absolument c’est…. » la réponse ne venant qu’à moitié sans la précision requise « il formaggio pecorino ». Il sourit enfin. « Il faut que tu saches qu’il est crucial, pour la bonne cuisine, d’avoir les bons produits. La qualité avant tout, okay ? ».

Puis il lui demanda d’aller chercher tous les ingrédients en indiquant où étaient rangés certains. Ainsi, tout était regroupé sur le plan de travail en un temps record. « Bon, est-ce que tu penses que tu peux être prête en deux semaines ? Tu es sûre ?! Sinon je ne veux pas que tu viennes perdre ton temps en cuisine hein ? C’est Damien sinon qui va me cuisiner mais pas au bain marie, pour moi c’est le four…. et tu auras un italien grillé sur la conscience ».

L'aprèm restau

Aura & Anton

Anton remarquait qu’en dépit des quelques troubles auxquelles la jeune fille faisait parfois face, elle était plutôt concentrée sur ce quelle faisait quand elle était en cuisine et puis ils avaient un bon contact tous les deux; Ceci ne pouvait que l’aider. « ça ne m’étonne pas de lui ». Il connaissait Damien depuis un moment et il avait eu l’occasion d’être la proie des amusements de ce trentenaire. « Tant mieux tu me diras, ça doit rentrer plus vite ».

Les ingrédients furent tous rassemblés assez vite et la jeune fille assura Anton qu’elle savait ce qu’elle faisait. Soit. Ils s’attaquèrent à la préparation des pâtes à la carbonara et selon la stricte recette italienne. L’eau bouillante, Anton demanda alors à Aura de s’occuper de casser les œufs et de les battre dans un saladier. Le poivre serait ajouté par la suite avec le Pecorino que préparait Anton. Tout en même temps, il s’occupa du Guanciale pour l’émincer en dés et le faire revenir à la poêle.

Cuisiner n’empêchait pas aux deux acolytes de parler. « Alors, quoi de neuf avec ce Marlowe, tu m’en avais parlé la dernière fois. C’était un gars qui je crois est dans l’équipe de football du lycée ».

Les pâtes étaient encore en cours de cuisson. Anton vérifiait toujours ce que faisait Aura en cuisine et lui indiquait comment incorporer au mieux les ingrédients supplémentaires aux œufs puis lui montrait enfin à quoi l’on reconnaissait que le Guanciale était poêlé comme il fallait.
« Plus que 3 minutes et à table » dit-il plutôt satisfait que tout se soit bien déroulé. Les gens autour en cuisine avaient eux aussi pris l’habitude de voir Aura trainer par là. Seule une personne n’approuvait pas sa présence, c’était celle qui gérait un peu l’organisation entre la salle et la cuisine. Mais cette personne n’était présente qu’au moment où il y avait énormément de monde, et surtout le soir. Rarement vers 14h l’après-midi.

« Hormis tes révisions, tu mets un peu le nez dehors quand même ? C’est l’été après-tout ! ». C’était une façon indirecte de prendre connaissance de ce que faisait la jeune fille, si elle sortait un peu et voyait des amis. Il était vrai qu’il s’inquiétait un peu qu’elle ne s’intègre pas aisément avec tout le monde en raison de sa maladie.

Il lui demanda ensuite de transvaser la préparation dans un bol et en lui tendant une cuillère, lui proposa de goûter « qu’est-ce que t’en penses ? Et l’assaisonnement, à ton avis, plus de poivre ou ce n’est pas nécessaire ? ». Une fois de plus, c’était un test car il fallait penser au fait qu’à ce mélange, les joues de porc seraient ajoutée et le fait de les avoir poêler les rendait un peu plus salées et fortes en gout d’un certaine manière.

Pendant que la jeune fille lui répondait, le cuisiner ôta immédiatement les spaghettis pour les mettre dans un grand bol. Puis il chopa deux assiettes.

L'aprèm restau

Aura & Anton

Le plat était presque prêt à être dégusté et voilà que Aura balançait sur Marlowe. Cela intrigua forcément Anton qui se demandait ce que ce garçon qui semblait populaire avait bien pu faire. Il laissa toutefois la remarque couler quand elle évoqua des prénoms encore inconnus aux oreilles du cuisinier. Emi lui semblait familier en revanche pas l’autre personne citée. « Emi il me semble que oui… par contre, Kat, je ne crois pas. Mais c’est bien que tu sortes un peu avec les filles… de ton âge ? Elles sont toutes les deux au lycée ? ». Il demanda cette information simplement car elle Aura semblait aimer trainer avec des gens plus âgés et il ne fallait pas qu’elle s’isole des autres jeunes lycéens. C’est vrai, à titre d’exemple, au lieu d’être avec ses camarades, elle se trouvait là en cuisine avec un trentenaire. Un ‘vieux’.

Il observa la façon dont elle se prépara à répondre à la question de l’assaisonnement et sourit, très satisfait de la réponse. « Exactement ce que j’attendais. Perfetto ! Et ça, c’est parce qu’il y a la viande qui est ajoutée par la suite. Lorsqu’elle est poêlée, ça rapporte à elle-seule une sorte de goût qui ne nécessite pas de rajouter autre chose dans ce que t’as déjà préparé ». Elle était faite pour ça. Pour la cuisine. Inconsciemment, cela faisait grandement plaisir à Anton.

L’italien mis donc les spaghettis dans deux assiettes, puis il laissa l’honneur à Aura d’ajouter la préparation avec les œufs et le fromage « Je t’en prie, essaye de mettre une portion équilibrée quand même…. c’est des spaghettis à la carbo et non de la carbo aux spaghettis huh ?! ». Il la taquina alors puis se chargea de mettre un peu du contenu de la poêle sur le dessus. Il saisit rapidement deux cuillères et deux fourchettes. C’était un crime que de couper les spaghettis avec un couteau. A l’italienne, ça se mangeait comme ça, on enroulait les pâtes autour de la fourchette en s’aidant de la cuillère, et basta.

Le grand brun s’assit donc sur l’espace du plan de travail qui était libre et invita la lycéenne à le rejoindre, à côté. « Buon appetito bambina ».
Commençant à porter le met à sa bouche, il attendit que Aura goûte avant de lui demander son avis « Alors ? Comment évaluez vous ce plat mademoiselle ? Est-il à votre convenance ? ».

Visiblement c’était le cas. « Bon alors, raconte, qu’est-ce qu’il t’a fait ce joueur de football pour que tu lui en veuilles comme ça ? ». Si cela nécessitait une petite vengeance qui resterait amicale et innocente tout de même, Anton pouvait bien entraîner Aura là-dedans. Rien que pour faire les pieds à Marlowe. Après tout, la jeune fille était comme sa protégée.

L'aprèm restau

Aura & Anton

Quand elle était en cuisine, Aura semblait plutôt concentrée, calme et savait pertinemment ce qu’elle faisait. Les doutes n’avaient que rarement la place dans ce milieu car il fallait être généralement réactif. Pourquoi ? Car il arrivait soit qu’un client soit un peu difficile, soit que l’on rate une préparation à la dernière minute donc il fallait improviser et parfois même le recensement des produits n’a pas été bien fait et l’on s’aperçoit à la dernière minute également qu’il faut remplacer par autre chose. Tout cela doit fuser en un minimum de temps.

Pour l’instant, aucune urgence et liberté totale dans la préparation mais la lycéenne faisait ça bien pour le plus grand bonheur de Anton qui se disait qu’elle avait trouvé un intérêt réel.
Il fut d’autant plus ravie qu’elle semblait beaucoup apprécier le met italien.
« Ah…. tant mieux alors ! Il ne faut jamais décevoir les clients fidèles… » dit-il en souriant. Une constance dans la qualité des plats était la raison même de la fidélité des gens.

En même temps que de manger, ils étaient à présent seuls dans la cuisine, un commis qui venait tout juste de finir de ranger certaines choses vint les saluer pour ensuite prévenir qu’il reviendrait pour le service du soir. Anton jeta un œil à sa montre et continua ensuite de déguster les pâtes aux côtés de la jeune fille. « C’est ça les mecs de cet âge… ça a besoin pour beaucoup de se prouver quelque chose et je t’avoue que c’est malheureusement le cas pour 90% d’entre nous…. mais cet âge là, c’est en effet un des pires pour ça ».


Après avoir enfourné et terminé une nouvelle bouchée, il rassura Aura « de toutes façons, il ne devait franchement pas valoir la peine et d’autres intéressants à regarder, il doit y en avoir pleins. Il ne faut pas que tu te précipites en tout cas. Personne d’autre n’a retenu ton attention autrement ? ». Il songea au fait qu’ils n’avaient rien à boire donc proposa à son apprentie une boisson. S’exécutant, il revint auprès d’elle avec ce qu’il fallait et ils trinquèrent à la réussite du plat préparé en équipe.
« Je dispose de mon après-midi avant de reprendre le service ce soir. Enfin, disons que j’ai … » il regarda de nouveau sa montre pour éviter toute approximation « … trois heures devant moi. Une sortie ça te dit ? Qu’est-ce que tu voudrais faire ? ».


L’assiette était déjà à moitié vide.